Jurisprudence - Prestations accomplies par un avocat dans le cadre de la protection des majeurs incapables

Actualité
06/05/2021

Conditions pour être exonéré de la TVA

Les prestations fournies par un avocat dans le cadre d'un régime de protection des majeurs juridiquement incapables sont-elles soumises à la TVA ? Sont-elles assimilables à des « prestations étroitement liées à l'aide sociale ? Dans quelle mesure un avocat peut-il être reconnu comme un « organisme ayant un caractère social ?

C'est sur ces questions que la CJUE s'est prononcée, dans un arrêt du 15 avril 2021. Elle juge que l'activité de protection des majeurs incapables effectuée par un avocat constitue, en principe, une activité économique. Elle peut être exonérée de TVA à deux conditions cumulatives : si les prestations de services concernées sont étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales et si cet avocat bénéficie, pour l'entreprise qu'il exploite à ces fins, d'une reconnaissance en tant qu'organisme à caractère social.

Le droit luxembourgeois protège les personnes majeures légalement incapables à travers des mesures de curatelle et de tutelle permettant de conseiller, contrôler, voire représenter ces personnes dans les actes de la vie civile, en attribuant des pouvoirs de gestion et de représentation à des personnes tierces. En pratique, les curateurs, les gérants de tutelle, les mandataires spéciaux et les mandataires ad hoc sont généralement des membres de la famille, mais aussi des avocats.

Un avocat exerce, depuis 2004, une activité de mandataire dans le cadre des régimes de protection des majeurs incapables. En 2018, l'administration fiscale luxembourgeoise lui réclame le paiement de la TVA au titre des activités de représentation de personnes majeures légalement incapables exercées au cours des années 2014 et 2015. Or, il considère que ces activités ne constituent pas des activités économiques soumises à la TVA. Selon lui, elles remplissent une fonction sociale qui devrait être exonérée à ce titre en vertu du droit national qui a transposé la directive TVA. Au contraire l'administration fiscale considère que les prestations réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle d'avocat constituent une activité économique et qu'elles ne peuvent pas être exonérées de la TVA. Selon elle, l'avocat ne remplit pas la condition d'être un organisme à caractère social pour invoquer l'exonération.

La juridiction saisie du litige se demande si l'activité de protection des personnes majeures légalement incapables peut bénéficier d'une exonération de la TVA. Elle demande à la CJUE si :

  • ces activités relèvent de la notion d'« activité économique » au sens de la directive TVA ;
  • ces activités sont exonérées en tant que « prestations de services étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales » ;
  • l'avocat qui les exerce peut être considéré comme un « organisme reconnu comme ayant un caractère social » par l'État membre concerné.

Sur la notion d'activité économique

La Cour juge que des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile constituent une activité économique.

Seules les activités ayant un caractère économique sont visées par la TVA, et plus précisément les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

La CJUE estime qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables ont été effectuées à titre onéreux. Toutefois, elle précise les éléments d'interprétation qui permettent de constater l'existence d'un lien direct entre ces prestations et les sommes perçues par l'avocat dans le cadre de ses mandats de gestion, alors même que la contrepartie de cette prestation n'a pas été obtenue directement de la part du destinataire mais d'un tiers, ou que la rémunération a été fixée sur la base d'une appréciation liée à la situation financière de la personne légalement incapable ou bien sous forme de forfait. Pour ce qui est de la nature économique des prestations, la CJUE relève que l'avocat tire des prestations réalisées des recettes qui ont un caractère de permanence et que le niveau des recettes qu'il a tirées de son activité n'est pas insuffisant par rapport à ses frais de fonctionnement.

Sur les conditions d'application de l'exonération

La CJUE juge que les prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile relèvent de la notion de « prestations étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales » au sens de la directive TVA.

En revanche, elle juge que des activités plus générales d'aide ou de conseil d'ordre juridique, financier ou autre (telles que celles pouvant être liées aux compétences spécifiques d'un avocat, d'un conseiller financier ou d'un agent immobilier) ne relèvent pas de l'exonération. Et ce, précise la Cour, même si elles sont fournies par un prestataire dans le contexte de la protection qu'il fournit à un majeur incapable.

Sur la notion d'« organisme reconnu comme ayant un caractère social »

Elle précise qu'il appartient à chaque État membre d'édicter les règles liées à la reconnaissance du caractère social des organismes autres que ceux de droit public. Elle observe à cet égard que la notion d'« organismes reconnus comme ayant un caractère social » est en principe suffisamment large pour inclure des personnes physiques poursuivant, dans le cadre de leur entreprise, un but lucratif.

En l'occurrence, les prestations de services concernées ont été fournies par un avocat inscrit au barreau. La CJUE estime que même si la catégorie professionnelle des avocats ne saurait être caractérisée, dans sa généralité, comme ayant un caractère social, la CJUE n'exclut pas qu'un avocat qui fournit des prestations de services étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales fasse preuve d'un engagement social stable. Engagement dont l'avocat a pu faire preuve au cours des années 2014 et 2015. Il appartient à la juridiction de renvoi de le vérifier, tout en respectant la marge d'appréciation dont l'État membre jouit à cet égard, précise la Cour.

Sources Lexis-Nexis

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