Chronique Juridique
09/12/2020

Daniel MINGAUD

Avocat à la Cour, Spécialiste en Droit du travail

Article paru dans la Gazette du Midi du 7 décembre 2020

La baisse de la natalité s’est accentuée avec la pandémie.

Pour ralentir le vieillissement de la population, la parentalité est de plus en plus sacralisée dans la vie professionnelle.

Il en ressort tout un arsenal juridique de plus en plus protecteur pour les jeunes parents…

Si l’action de l’Etat est actuellement focalisée sur la définition d’un cadre juridique évolutif en réponse à la crise sanitaire, d’autres préoccupations sociétales ne semblent pas pour autant être oubliées, comme la baisse de la natalité qui s’est accentuée depuis la pandémie.

Pour enrayer cette tendance et en vue certainement de ralentir le vieillissement de la population, le gouvernement s’intéresse régulièrement à la question la parentalité, de plus en plus prégnante, pour ne pas dire sacralisée, dans la vie professionnelle.

Il en ressort tout un arsenal juridique de plus en plus protecteur pour les jeunes parents.

En témoigne l’une des dispositions phare de la LFSS (Loi de Financement de la Sécurité Sociale) qui devrait être adoptée sous peu : l'allongement du congé paternité de 11 à 25 jours, et porté à 32 jours en cas de naissances multiples, à compter du 1er juillet 2021.

Le coût annuel de cette mesure serait estimé à 520 millions d’euros. On ne lésine donc pas sur les moyens pour notamment être en harmonie avec les autres pays européens. Le principe du « quoiqu’il en coûte » (« whatever it takes »), initié outre-Atlantique, semble donc là encore de rigueur.

Le salarié en congé paternité est également protégé contre le licenciement pendant (et dans le prolongement de) cette période particulière. En effet, l’article L.1225-4-1 du code du travail prévoit une période de protection contre le licenciement pendant une durée de 10 semaines. Si la protection instaurée en faveur des jeunes mères est assez connue, celle instaurée en faveur des jeunes pères l’est encore (trop) peu.

Il en résulte que l’employeur ne peut licencier le salarié dans les 10 semaines suivant la naissance de son enfant que s’il justifie d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

A défaut, l’employeur s’expose à se voir sanctionné par la nullité du licenciement avec toutes les (lourdes) conséquences financières qui en découlent, et un risque de réintégration du salarié.

Le Juge veille, la Cour de cassation vient d’ailleurs de rappeler récemment les règles de cette protection (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-12.036 FS-PB, V. c/ Sté Somfy activités).

Elle a juste tempéré l’étendue de ces dispositions légales, en précisant qu’elles ne s’étendaient pas aux « mesures préparatoires au licenciement ».

Autrement dit, si un employeur ne peut pas licencier un salarié, jeune père, pendant la période de protection précitée, il peut en revanche engager une procédure de licenciement durant celle-ci, en le convoquant à entretien préalable, et même en tenant celui-ci.

Il ne faut pas pour autant se méprendre sur la portée de cet arrêt, et la vigilance doit être de mise lorsque le licenciement d’un jeune père est envisagé.

En effet, si la jurisprudence admet désormais que le licenciement puisse se préparer pendant la période de protection du salarié en congé paternité, un juge pourrait en revanche considérer que le licenciement est néanmoins lié à la naissance de l’enfant, et donc à la (nouvelle) situation de famille du salarié.

Le licenciement serait alors jugé discriminatoire, et frappé de nullité.

Au nom du (jeune) père, patience après la naissance !

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