Chronique Juridique
15/09/2023

Par Maître Daniel MINGAUD

Avocat à la Cour, Spécialiste en Droit du travail

Appréhendant peut-être la canicule du mois d’août, le législateur a été particulièrement pro-actif en juillet en matière de droit du travail, avec l’adoption de deux mesures-phares relatives à la parentalité :

  • L’une visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse (fausse couche), 
  • L’autre renforçant la protection des parents d’enfants gravement malades qui sera commentée prochainement.

La Loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche a été publiée au Journal officiel le 8 juillet 2023.

La salariée, victime d'une fausse couche, bénéficie désormais d'une protection contre la rupture de son contrat.

Depuis le 9 juillet, l’employeur ne peut plus licencier une salariée pendant les dix semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée, ayant eu lieu entre la 14ème et la 21ème semaine de grossesse. 

Mieux vaut respecter cette nouvelle obligation puisqu’à défaut, l’employeur peut se voir condamner à verser une indemnité au moins égale à six mois de salaire. 

Par ailleurs, s’agissant d’une protection d’ordre public, toute convention contraire à cette interdiction de licencier est frappée de nullité (article L. 1225-70 du code du travail).

Il s’agit d’une interdiction dite « relative » puisque l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave caractérisée de l’intéressée, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’interruption spontanée de grossesse (article L.1225-4-3 du code du travail).

Ainsi, le législateur a voulu réduire la différence de traitement entre :

  • une salariée qui perdrait son enfant à 3 ou 4 mois de grossesse, désormais protégée par une interdiction « relative » de licenciement,
  • et celle victime de fausse couche à compter du 5ème mois de grossesse (22ème semaine exactement), qui, elle, se voit protégée par une interdiction « absolue » de licenciement durant toute la durée potentielle du congé de maternité, soit 16 semaines au minimum.

Rappelons que la femme enceinte bénéficie :

  • de cette même protection absolue durant le congé maternité (16 semaines minimum) et les congés payés pris immédiatement après celui-ci,
  • et d’une protection relative pendant la grossesse (hors congé maternité), et pendant 10 semaines après la fin du congé maternité.

Notons en outre que si la salariée est engagée sous CDD, la fausse couche ne reportera pas l'échéance prévue de ce contrat.

Enfin, la Loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 supprime le délai de carence pour l’indemnisation, par la sécurité sociale, des arrêts maladie liés à une fausse couche intervenue avant la 22ème semaine de grossesse. Il s’agit là d’une mesure emblématique, annoncée lors de la Journée de la Femme (le 8 mars dernier) à l’occasion du plan gouvernemental pluriannuel pour l’égalité femmes/hommes.

Cette disposition n’est cependant pas encore en vigueur, elle ne s'appliquera qu’aux arrêts de travail prescrits à compter d’une date qui sera fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2024. 

En attendant, le délai de carence de trois jours, fixé par le Code de la sécurité sociale (article L. 323-1), reste toujours de mise.

En marge de ces dispositions protectrices en droit social, saluées d’ailleurs par nombre de syndicalistes, le gouvernement a mis en place tout un dispositif de suivi psychologique renforcé, qui devrait notamment être opérationnel à compter du 1er septembre 2024, au sein de chaque agence régionale de santé (ARS).

Article publié dans la Gazette du Midi, septembre 2023

À lire aussi