Adoption de décisions collectives par un minoritaire ?

Par Maître Marine VAISSIERE, avocate au Barreau de Toulouse

Les sociétés par actions simplifiées (SAS) ont pour principale caractéristique la liberté statutaire. 

L’article L 227-9 alinéa 1 du Code de commerce prévoit que, pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient. » 

La question qui en découle est la suivante : 

Les statuts peuvent-ils prévoir que les décisions collectives peuvent être adoptées par une minorité d’associés ?  

L’assemblée plénière de la Cour de cassation vient de répondre à la question par la négative…

… une décision collective d’associés ne peut être adoptée que si les votes en sa faveur sont le plus nombreux. 

Les statuts de la société par actions simplifiée ne peuvent donc pas prévoir que les décisions sont adoptées par un vote minoritaire.

1.Une décision dite « collective » implique la majorité des voix

La Cour de cassation considère qu’une décision ne peut être collectivement adoptée que si elle est votée à la majorité des voix. 

Au-delà du fondement légal, la solution repose sur la notion de décision collective qui implique par nature qu’elle soit prise à la majorité. 

L’association nationale des sociétés par actions (Ansa) rejoint la Cour de cassation et répond par la négative à la question posée en préambule.

En somme, pour elles, c’est du « bon sens » mais cela vient-il limiter la liberté statutaire conférée aux SAS ?

Cela peut être considéré comme une limite par certains praticiens et par certaines Cours.

Ce qui est le cas pour la Cour d’appel de Paris… pour cette dernière l’article L 277-9 du Code de commerce permet aux associés de SAS de fixer librement dans les statuts les conditions d’adoption des décisions collectives. Pour elle, la loi n’interdit pas de fixer une condition de seuil, même minoritaire.

Toutefois, il convient de noter que le rédacteur des statuts conserve la liberté d’aménager cette majorité ou la prise de décision. 

Exemples : 

  • il peut être stipulé la majorité des voix exprimées et non des voix détenues par tous les associés. Le terme « voix exprimées » peut (doit) être défini aux termes des statuts.

  • certaines décisions, qui ne sont pas attribuées par la loi à la compétence des associés, peuvent être adoptées au choix des statuts par la collectivité des associés, par un organe de direction, ou selon tout autre modalité.

  • Mise en place d’un droit de vote plural.

Il en ressort donc que la liberté (et l’attractivité) de la SAS ne sera pas affectée par la solution de la Cour de cassation.
 

2. Les règles de majorité doivent être rédigées avec attention

La Cour de cassation énonce précisément que, pour être adoptée, la résolution doit :

  • réunir « au moins la majorité des voix exprimés » 

  • rassembler en sa faveur le « plus grand nombre de voix ». 

Il semblerait que la clause prévoyant que la résolution adoptée est celle qui réunit le plus grand nombre de voix, sans qu’il soit nécessaire qu’elle réunisse au moins la moitié des voix exprimées est valable !

Exemple : la résolution soumise à l’assemblée offre trois choix possibles. Si l’on parle du plus grand nombre de voix exprimées, la proposition adoptée est celle qui a réuni le plus voix. La proposition qui a réuni 40% des voix exprimées peut être adoptée si les autres propositions ont réuni moins (30% et 30%).

La Cour de cassation écarte également l’obligation de prendre en compte les vote blancs ou l’abstention pour déterminer la majorité des voix.

Œil de l’avocat : ces précisions ont été les bienvenues pour les praticiens. Toutefois, il est indispensable de retenir un point : il convient d’apporter une attention particulière à la rédaction de vos statuts. En effet, à titre d’exemple, les voix exprimées peuvent ne pas comprendre les voix attachées à l’associé qui s’est abstenu ou a voté blanc ou nul mais si et seulement si les statuts le prévoient ! 

Ce qu’il faut retenir : l’assemblée plénière de la Cour de cassation préserve la liberté statutaire conférée aux SAS et précise seulement que la notion de « collectivité » ne peut impliquer qu’une majorité. A défaut, la clause sera réputée non écrite !


FOCUS : 

La Cour de cassation a fondé sa décision sur plusieurs articles, l’article L 277-9 du Code de commerce mais aussi sur les articles 1844 et 1844-10 du Code civil, ce qui semble conférer à cette décision une portée générale pour toutes les formes de société.

Il convient donc de porter une attention particulière aux rédactions dans les sociétés civiles ! C'est pourquoi l'avocat toulousain est l'interlocuteur privilégié pour vous accompagner dans la rédaction de ces statuts. 

 

Article paru dans La Dépêche du Midi, Annonces légales