Face à une situation paradoxale où le chômage et la pénurie de main d’œuvre demeurent tous deux à un niveau préoccupant, le gouvernement (l’ancien et le nouveau…) revendique une politique volontariste en matière d’emploi, la « valeur travail » ayant encore été célébrée lors des vœux télévisés du Président aux français.
C’est dans le cadre de cette dynamique que les dispositions de la Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 dite Marché au travail se déploient au fil du temps, avec un objectif clair de durcissement des conditions d’accès aux allocations chômage.
Après l’abandon de poste, c’est désormais, depuis le 1er janvier, le refus de deux CDI (sur une période de 12 mois) de la part du salarié en CDD ou en intérim, qui va le priver des indemnités chômage (Décret n°2023-1307, 28 déc. 2023 : JO, 29 déc.).
Pour ce faire, l’article 2 de la loi Marché du travail a introduit deux nouveaux articles dans le Code du travail, numérotés L 1243-11-1 (CDD) et L 1251-33-1 (contrat de mission) :
- Selon le premier article, lorsque l’employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l’échéance du terme du CDD sous la forme d’un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, (assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail), il doit notifier cette proposition par écrit au salarié, en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.
- Selon le second article, pour le contrat de mission, l’obligation d’information incombe cette fois-ci à l’entreprise utilisatrice, et il n’est pas exigé que le CDI comporte une rémunération et une durée de travail équivalentes, ni la même classification.
En pratique, l’employeur doit respecter une procédure bien précise s’agissant de la proposition de CDI, mais surtout concernant l’information à France Travail.
Quid de la proposition de CDI ?
L’employeur (ou l’entreprise utilisatrice) doit notifier au salarié la proposition de CDI par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre remise en main propre contre décharge, ou par tout autre moyen donnant date certaine à sa réception, avant le terme du contrat à durée déterminée (ou du contrat de mission).
L’employeur (ou l’entreprise utilisatrice) accorde au salarié un délai « raisonnable » (à l’appréciation de l’employeur) pour se prononcer sur la proposition de CDI en lui indiquant qu’à l’issue de ce délai de réflexion, une absence de réponse de sa part vaut rejet de cette proposition.
Quid de l’information à France Travail ?
En cas de refus exprès ou tacite du salarié dans le délai de réflexion, l’employeur (ou l’entreprise utilisatrice) dispose d’un délai d’un mois pour informer France Travail de ce refus.
Selon des modalités qui viennent d’être précisées par arrêté du 3 janvier publié au JO le 10, l’information est réalisée, par voie dématérialisée, sur une plateforme dédiée :
https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail.
La durée de remplissage est estimée à 7 minutes selon France Travail, ce qui peut sembler quelque peu optimiste puisque l’employeur doit fournir :
- Un descriptif de l’emploi proposé
- Des éléments permettant de justifier dans quelle mesure :
- pour le salarié sous CDD : l’emploi proposé est identique ou similaire à celui occupé ; la rémunération proposée est au moins équivalente ; la durée de travail proposée est équivalente ; la classification de l’emploi proposé et le lieu de travail sont identiques.
- pour le salarié en contrat de mission : l’emploi proposé est identique ou similaire à celui de la mission effectuée ; le lieu de travail est identique.
- Des mentions relatives :
- au délai laissé au salarié (ou au salarié temporaire) pour se prononcer sur la proposition de CDI ;
- à la date de refus exprès du salarié, ou en cas d’absence de réponse, de la date d’expiration du délai ci-dessus, au terme duquel le refus du salarié est réputé acquis.
Si France Travail constate que les informations fournies sont incomplètes, il adressera une demande d’éléments complémentaires à l’employeur (ou à l’entreprise utilisatrice), qui dispose d’un délai de 15 jours à compter de cette demande pour y répondre.
À réception des informations complètes, France Travail informera le salarié de cette réception et des conséquences du refus de CDI sur l’ouverture de droit à l’allocation chômage.
Selon l'Association Nationale des DRH (ANDRH), cette nouvelle mesure cumule « tellement de critères » qu'il n'est « pas certain que cela change radicalement la donne ».
Voyons si ce scepticisme clairement affiché d’experts sera contredit à l’avenir par « des résultats, des résultats, des résultats ».
Article publié dans La Gazette du Midi, 22 janvier 2024