Chronique - La grande profession du Droit a 30 ans !

La création en France de la Grande Profession du Droit a 30 ans au 1er janvier 2022.

Initiée à l’origine par Robert Badinter, Ministre de la Justice, puis par son successeur, elle était le résultat d’une vision prospective mondiale de la plus importante profession juridique et judiciaire, celle d’avocat conseil. La fusion de la profession de conseil juridique avec celle d’avocat ne devait pas, ne pouvait pas s’inscrire dans un processus d’intégration (les conseils juridiques ne représentaient en nombre que la moitié des avocats) mais uniquement dans le cadre d’un apport réciproque. La profession d’avocat, organisée depuis plus de 400 ans, était prestigieuse, valorisée, reconnue, incontournable en matière de défense. La profession de conseil juridique, de création récente, était pragmatique, très organisée, informatisée, spécialisée essentiellement en Droit des affaires auprès des entreprises et ouverte à de nouveaux champs d’activités.

L’unicité de ces deux professions leur donnait force, reconnaissance, notoriété et un impact considérable. Face à la concurrence Internationale et surtout anglo-saxonne déjà organisée, elle dotait le Barreau français d’un Barreau d’affaires compétent et déjà implanté en France et à l’étranger, et positionnait la France au niveau de ces pays-là, sous la bannière mythique du Conseil et de la Défense. Cela impliquait de nombreuses mesures d’accompagnement, une déontologie et une formation harmonisées, des structures d’exercices novatrices adaptées, la création du Conseil National des Barreaux, les spécialisations...

Tout cela a demandé un travail de préparation important pendant deux années qui ont précédées cette importante réforme, à la fois dans nos régions, et au niveau national.

Parmi d’autres, il est en particulier un de nos confrères, aujourd’hui décédé, que nous ne pouvons pas oublier 30 ans après. Il a porté la parole de Midi-Pyrénées et bien sûr de Toulouse dans ces travaux préliminaires. Mais surtout, il a représenté une force de proposition remarquable.
Avec intelligence et modestie, il a su contribuer à faire passer ce qui à l’époque représentait des innovations conséquentes dont nous bénéficions aujourd’hui, des sociétés de capitaux et plus tard des sociétés de participation financières qui seront le premier pas vers l’interprofessionnalité, en passant par l’arbitrage, l’expertise, l’ouverture à des activités novatrices, des avancées significatives pour le statut des professions libérales réglementées et leur fiscalité. Il a ainsi contribué plus précisément à ouvrir la voie aux Sociétés d’Exercice Libéral, aux sociétés pluridisciplinaires et aux sociétés holding pluriprofessionnelles plus récentes.

Il a été Président de la Commission Régionale des Conseils Juridiques dans le ressort de la cour d’appel de Toulouse et des tribunaux de grande instance de Toulouse, Montauban, Saint-Gaudens, Foix, Albi, Castres, puis membre du Bureau de la Conférence du Bâtonnier et ès-qualités Bâtonnier de droit. C’est lui qui a mis en place, au préalable, avec le Bâtonnier de Capella, les dispositions relatives à la fusion dans les six barreaux de Midi-Pyrénées, dont Toulouse.

Après avoir tant donné pour la profession d’avocat, je dois vous révéler qu’à la fin de sa vie, il était soucieux : son petit-fils lui avait confié qu’à son tour il voulait devenir avocat et il craignait beaucoup qu’il « tourne mal » en s’imprégnant de la matière pénale et qu’il ne devienne pas un excellent fiscaliste !!!

Il s’appelait Joseph DUNAC et trente ans après cette extraordinaire fusion que nous « pouvons aujourd’hui fièrement contempler du haut de nos Pyrénées » et qui a donné la GRANDE PROFESSION DU DROIT prônée par Robert Badinter, il était juste de rendre hommage à l’un des nôtres, l’un des inspirateurs de cette grande loi pour tout ce que nous lui devons.

Quant à son petit-fils, jeune Bâtonnier de notre grand Barreau, malgré ses rares lacunes en fiscalité, nous sommes certains qu’il saura prolonger un tel héritage et le regard prospectif de son grand-père dans son action au-delà du périmètre local de sa mission première, au profit de la profession d’avocat qui en aura bien besoin, dans la perspective des extraordinaires mutations professionnelles, que nous ne pouvons sous-estimer, et qui s’annoncent dans un avenir qui se conjugue au présent, à l’image de ce que connaissent déjà les professions réglementées voisines des experts-comptables et des commissaires aux comptes.

On pourra alors dire, en cette période de Covid, que le barreau de Toulouse a trouvé le premier, l’antidote au fameux et ancien « syndrome du hérisson » de l’avocat, qui a souvent paralysé les actions prospectives les plus novatrices.