Les élections présidentielles à peine terminées et déjà presque oubliées, tous les regards se tournent vers la prochaine échéance électorale : Les élections législatives se dérouleront les 12 et 19 juin prochains. La campagne officielle ne débute qu’au 30 mai, mais déjà, l’agitation politico-médiatique est omniprésente, si tant est qu’elle ait connu une pause.
Désaffection pour les carrières politiques et/ou crise de vocation oblige(nt), ce prochain scrutin verra apparaître des candidats issus de la société civile qui pour, bon nombre d’entre eux, sont aussi salariés.
Dans cette hypothèse, l’employeur est confronté potentiellement et successivement à 3 situations bien distinctes :
- la gestion des opinions politiques dans l’entreprise,
- l’absence du salarié pendant sa compagne électorale,
- et enfin, le retour du salarié élu.
L’expression politique sur le lieu de travail
Les salariés sont libres de leurs opinions et peuvent les exprimer dans l'entreprise.
L’employeur ne doit pas interdire les discussions politiques entre collègues, toute clause contraire contenue dans un règlement intérieur étant jugée illicite (Conseil d’Etat 25-1-1989 n° 64296).
Le règlement intérieur peut toutefois contenir une clause dite « de neutralité », sous réserve, précise le code du travail (article L 1321-2-1) :
- que les restrictions qu'elle prévoit soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour bon fonctionnement de l'entreprise,
- et qu'elles soient proportionnées au but recherché.
En pratique, cette clause n'est valable que pour les salariés en contact avec la clientèle.
En l’absence de cette clause exceptionnelle de neutralité, toute sanction ou tout licenciement décidé en raison des opinions politiques du salarié est non seulement abusif, mais aussi constitutif d’une discrimination, passible de sanctions pénales pour l’employeur.
Enfin, si le salarié est libre d'exprimer ses opinions politiques sur le lieu de travail, il est aussi en droit de taire ses convictions. De manière générale, l'employeur ne peut pas exiger d'un salarié qu'il émette une opinion ou qu'il prenne publiquement une position (Cass. soc. 26-10-2005 n° 03-41.796 F-D).
Droits du salarié candidat aux législatives
Le salarié candidat aux élections législatives a droit à un congé d'une durée maximale de 20 jours ouvrables, pour mener sa campagne.
Pour ce faire, il doit avertir son employeur au moins 24 heures avant le début de chaque absence, ce congé pouvant être fractionné en demi-journées.
Pour encourager un engagement politique toujours plus en recul, le code du travail prévoit (articles L 3142-79 à L 3142-82) que ces absences (non rémunérées) ouvrent droit à congés payés ainsi qu’aux droits liés à l'ancienneté, à la différence d’un congé sans solde.
Toutefois, et à la demande expresse du salarié, ces absences peuvent aussi être imputées sur les congés payés qu'il a acquis à la date du premier tour de scrutin (soit au 12 juin 2022).
Attention, si l’engagement politique du salarié se déroule en dehors de ce cadre légal, et vient à troubler le bon fonctionnement de l’entreprise, son comportement est alors sanctionnable selon la jurisprudence.
L’employeur a même parfois tout intérêt à sanctionner, voire à licencier pour faute grave le salarié candidat, si celui-ci vient, par exemple à imprimer, diffuser et ou affranchir, aux frais de l'entreprise, à des fins personnelles et sans autorisation, les tracts de sa campagne, exposant ainsi la société et son dirigeant à un risque sérieux de poursuites pénales pour financement illégal de campagne électorale (CA Versailles 14-3-2012 n° 10-05816).
Les droits du candidat élu et réélu
Le salarié élu député peut suspendre son contrat de travail pendant toute la durée de son mandat s'il justifie d'une ancienneté d'au moins un an chez son employeur (article L 3142-83 du code du travail).
À l'expiration de son premier mandat, le salarié qui le souhaite peut être réintégré dans l'entreprise.
Il retrouve alors son précédent poste de travail ou, à défaut, un emploi similaire, avec une rémunération équivalente.
Une fois réintégré, le salarié bénéficie de tous les avantages acquis par les salariés de sa catégorie durant l'exercice de son mandat. Il bénéficie même, si besoin, d'une réadaptation professionnelle en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail (article L 3142-84 du code du travail).
Attention, cette obligation de réintégration du salarié ne vaut que pour un seul mandat.
Dans l’hypothèse où le mandat de député du salarié est renouvelé ou si celui-ci vient à être élu sénateur, il bénéficie, comme en matière de licenciement économique, d’une priorité de réembauche pendant un an, sous réserve d’en faire la demande écrite auprès de son employeur. En en cas de réemploi, l’employeur devra alors octroyer à l’intéressé tous les avantages qu’il avait acquis lors de son départ.
Avec un tel dispositif légal et réglementaire, particulièrement protecteur pour les salariés, il n’est pas sûr que les décideurs voient tous d’un bon œil l’arrivée en force de la société civile dans le monde politique !
Article paru dans La Gazette du Midi