L'extraterritorialité du droit américain est-elle acceptable ?

Les autorités américaines parviennent à contraindre les entreprises et les banques notamment françaises, à « coopérer » dans le cadre ou le prolongement des procédures pénales transactionnelles qui sont les leurs.

Mais, pour ce faire et au-delà, elles n’utilisent pas que la voie juridique ou judiciaire inspirée par la primauté de la préservation de leur souveraineté nationale, mais aussi de nombreuses dispositions administratives et autres qui leur sont propres, pour imposer amendes exorbitantes, taxes ou interdiction de marché et de commerce.

Le défaut de symétrie et d’harmonisation des procédures européennes, l’absence de protection de la confidentialité des avis des juristes d’entreprises, toujours pas couverts par le secret professionnel absolu de « l’avocat en entreprise » (statut non abouti), et le manque de réciprocité de nos procédures européennes… rendent nos entreprises vulnérables, d’autant plus qu’elles sont anormalement de fait individuellement soumises aux questions et investigations directes des autorités américaines, sans que ces modalités ne passent par aucun organisme régulateur, en franchise des accords internationaux.

Il s’avère aujourd’hui que les « règles internes de conformité » des entreprises françaises, par ailleurs plus ou moins bien appliquées, ainsi que la loi dite de « blocage » de 1968 et 1980 sont très insuffisantes pour rétablir un juste équilibre dans ces échanges et annihiler la vulnérabilité actuelle de nos propres entreprises, devant l’extension galopante de l’usage qui est fait de l’extraterritorialité du droit américain.

Au-delà de la contestation possible de ces mesures unilatérales le plus souvent exorbitantes (devant la Cour Internationale de Justice, l’OCDE, etc…), qui placent lesdites entreprises en position d’infériorité et de vulnérabilité, l’affirmation de la souveraineté européenne face à la suprématie présumée des Etats-Unis est devenue un enjeu à la fois politique, juridique et économique essentiel qui ne peut attendre d’être relevé. Il nécessite une même « volonté d’affirmation » des pays européens, qui ne doivent pas oublier dans ce contexte, qu’ils représentent eux-mêmes un énorme marché stable et solvable.

A l’évidence, les avocats ne peuvent rester neutres et taisants dans ce débat.

Alain COUTURIER
Avocat honoraire